Formulaire de candidature : version 2022 PDF
Le raï : élément du patrimoine culturel immatériel Algérien
Comme toute musique, le raï est un élément qui rassemble, il est largement diffusé et reconnu par les communautés détentrices comme faisant partie de leur patrimoine culturel immatériel, il véhicule un sentiment d’appartenance et valorise un mode de vie, des us et coutumes, issues des pratiques locales et véhiculées par un parler spécifique, telle que les rencontres musicales de "tagsera" : séances de joutes poétiques et de prouesses de flûte et de percussion.
Il favorise ainsi la convivialité autour des festivités communautaires et familiales (mariages, circoncisions, fêtes votives, les pèlerinages aux mausolées des saints, etc.), des échanges féminins, et de l’ancrage territorial global ou local.
Depuis environ deux siècles, la chanson rai est inscrite dans la culture profonde des populations rurales et nomades dans l’ouest algérien considéré comme son berceau, puis dans les villes de Saïda, de Sidi Bel Abbes et d’Oran de manière marginalisée par les institutions et enfin de manière spectaculaire, dans la culture urbaine du pays, puis du monde.
Le rai chante l’amour et la liberté , il porte des messages de protestation contre l'injustice, autrefois contre l’hégémonie coloniale, et dans les années 1990, il a porté la voix de l’espoir contre l'intégrisme islamiste.
Aujourd’hui, cette musique est considérée dans tout le territoire algérien comme une musique de jeunesse, elle incarne un canal d’expression des sentiments pour une jeunesse qui cherche à se libérer des contraintes sociales. Le raï s’est imposé sur la scène artistique et culturelle nationale face à une société conservatrice et puritaine, tout en évoluant vers un texte profane plus soft, ce qui lui a conféré une acceptation sociale.
Par ailleurs, dans l'émigration il constitue un lien symbolique avec le pays, et de marqueur identitaire positif dans un contexte où les cultures d’origine des migrants et de leurs descendants sont fortement minorées voire stigmatisées.
Bref aperçu historique :
Le raï signifie littéralement, "mon opinion", ou encore mon jugement ou mon choix.
Caractérisée par ses mélopées franches, cette musique populaire traduit la réalité sociale et chante l’amour, la liberté, le désespoir, la contrainte sociale, sans tabou ni censure.
Le raï est pratiqué à l’origine, en milieu rural, par les maîtres (chouyoukh, sing. cheikh), référents du sens ancien et nouveau du raï. Ils chantent les textes de la poésie "melhoun" (poésie chantée, déclamée en langue arabe vernaculaire) interprétée avec un orchestre traditionnel constitué de "gallal" (tambourin tubulaire), de "gasba" (flûte) et accompagné par un "berrah" qui investit le rôle de l'animateur, c’est ce qu’on appelle la chanson Bedoui.
Ce sont les femmes (cheikhat, sing. cheikha) qui vont donner, au début du XX siècle, une orientation moins soumise aux langages convenus en imposant des codes transgressifs : elles chantent la liberté d'aimer, le désir, tout en glorifiant Dieu et les saints.
Le raï évolue longtemps, dans les milieux clos, avant de gagner en notoriété à l’échelle nationale en accompagnant les fêtes rituelles et les mariages du grand ouest de l’Algérie, puis internationale grâce à des artistes comme Khaled ou Mami.
Connu dans sa forme actuelle depuis les années 1970 où l'introduction d’instruments tels que la guitare électrique, la trompette, l’accordéon, le synthétiseur, donne différentes nuances au genre.
Le registre, la rythmique et les corpus restent porteurs des mêmes valeurs de liberté et de transgression, "L’esprit raï" reste le même, quels que soient les changements apportés à l’exécution instrumentale.
Son message est désormais universel, porté par des jeunes "chab" et "chabba" (jeune et jeune fém.) qui chantent et dansent pour les jeunes de leur pays et du monde entier.
Classement sur la liste représentative de l’UNESCO , quel intérêt ?
Cette démarche d’inscription à la liste représentative vise à faire connaître les pratiques culturelles et sociales des villes et localités qui ont contribué à son émergence (Oran, Aïn Témouchent, Saïda, Sidi-Bel-Abbès).
Elle permettra ainsi une meilleure visibilité des détenteurs, des métiers et des savoirs faires liés à l’élément. Ceci garantira la survie, notamment des savoirs faire liés à la fabrication des instruments traditionnels "gasba" et "gallal", ou encore l'art de l'improvisation poétique pratiqué en milieu rural (place du marché) et citadin. Cela permettra à la chanson Bédoui, qui est à l'origine du rai, de reconquérir la scène, et sur un autre versant, elle contribuera à encourager les initiatives pour que les détenteurs s'organisent en associations pour la promotion du PCI.
La préparation de ce dossier a d’ores et déjà ouvert la voie à d’autres éléments du PCI au classement national, tel le "Bedoui" qui fait l’objet d’un programme de sauvegarde, et les "Chants sacrés des Meddahates" par un dossier de candidature pour un classement UNESCO sur la liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente.
D’autres éléments ont par ailleurs été identifiés comme les "berrah" qui jouent le rôle de médiateurs en traduisant les réalités sociales par des joutes langagières. Ils transmettent ainsi le patrimoine poétique et les adages, en les ancrant dans le quotidien des participants.
D’un autre côté, les travaux de recherches impliquant la société civile permettront la diffusion et la sensibilisation du savoir autour du rai. Cette Inscription permettra l’identification et la protection des œuvres qui relèvent du domaine public.
Cela induira par conséquent une connaissance plus approfondie et plus claire de la genèse et de l’émergence du raï.
Cette visibilité ainsi orientée serait l’occasion propice pour consolider la conscience internationale sur l’importance du patrimoine culturel immatériel, de sa richesse qui témoigne de la diversité culturelle du monde.
Révision du dossier de classement jan-Mars 2021 :
Après l’examen du dossier de classement soumis en 2016, par l’organe d’évaluation de l’Unesco en décembre 2020, des réserves ont été émises relatives essentiellement à la participation de la société civile à l'élaboration du dossier d'inscription, et afin de lever ces réserves, La préparation du dossier a été confiée à une équipe de chercheurs du centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques CNRPAH et des experts nationaux.
Procédant par enquête anthropologique de terrain avec la participation active des acteurs locaux et en collaboration avec les directions wilayales de la culture (Oran, Ain Temouchent, Sidi Bel Abbès et Saïda) et les diverses associations culturelles, ils ont organisé des séances de sensibilisation sur le patrimoine culturel immatériel et les modalités de l’inscription de la chanson rai au patrimoine de l’humanité.
Ces chercheurs ayant déjà travaillé sur ce terrain pour divers projets de recherches ainsi que pour l’inventaire du PCI de la wilaya de Saida, ont mobilisé un large réseau de contact et de personnes ressources avec lesquelles ils ont déjà collaboré pour faciliter cette présente mission. S'ensuit, une série de missions sur le terrain entre janvier et mars 2021 :
A Oran , en janvier 2021, au siège de l’association “Bahia culturelle” et arts et la protection du patrimoine musical algérien (ABACPPMA) des rencontres quotidiennes pendant deux semaines avec les détenteurs : chanteurs, chanteuses, compositeurs, paroliers, arrangeurs, et d’autres associations dans le domaine du chant et de la musique et les activités culturelles ont permis de mettre en évidence le rôle de chacun et son rapport avec la chanson rai.
À la même période à Ain Temouchent, dans la maison de la culture « Kateb Yacine », mise à la disposition des acteurs de la société civile par la direction de la culture de la wilaya, des entretiens ont été réalisés avec les artistes qui ont marqué le rai, comme Mr Bellemou qui nous a décrit l'évolution du rai dans les années soixante-dix et l’introduction pour la première fois la trompette et le saxophone.
En février 2021, à Sidi Bel Abbès, des rencontres ont eu lieu à la maison de la culture, facilitées par le direction de la culture de la wilaya, avec les artistes qui ont permis de voir la spécificité du rai abbassi.
D’autres rencontres ont eu lieu chez les chanteurs comme Mohamed El Abbassi et Driss Mohamed.
Monsieur Bousmaha Mohamed, le commissaire du festival du rai depuis 2018 , rencontré au siège de la direction de la culture, nous a renseigné sur le rôle du festival dans la promotion et la diffusion de la chanson rai à Sidi Bel Abbès ainsi que dans toute la région de l’ouest algerien et d’autres régions du pays.
A Saïda, en fin février , c'est dans la maison de la culture que les chercheurs et le directeur de la culture, Monsieur Bouarfa Karim qui s’est beaucoup investi, ont organisé une table ronde sur la chanson raï comme patrimoine culturel immatériel avec des chioukhs, des jeunes chebs , des musiciens et les représentant des associations locales, une rencontre qui a permis de récolter leurs consentement écrit.
Ainsi, Dans toutes les wilayas les témoignages des détenteurs ont été enregistrés et filmés et où ils ont exprimé leur adhésion et leurs soutien à l’inscription du rai au patrimoine de l’humanité.
Mise à Jour 2021 (N° inv : 20-01/2015)
version 2016
inventaire du patrimoine culturel immatériel de la wilaya de saida / AR
inventaire du patrimoine culturel immatériel de la wilaya de saida / FR